Dhorpatan, voici un mot qui a été très longtemps pour nous synonyme d’inconnu. En effet, nous arrivons seulement à nous procurer une carte de la région quelques jours avant d’y entrer. La seule image que nous avions jusqu’alors était celle de la Transnepalaise, pas très rassurant.
Suite au départ de Thibaud, nous ne sommes plus que trois et c’est également un changement à prendre en compte. La lecture de la carte et des très rares topos nous fait rêver. Cette réserve de chasse est une région montagneuse, très sauvage et peu peuplée. Les habitants sont principalement des bergers ou fermiers qui désertent les estives de hautes altitudes (au dessus de 3000 m) pour l’hiver. C’est exactement à cette periode que nous y passons. C’est l’occasion rêvée de tester nos duvets sous une nuit en tente à 4000m en plein décembre ou encore de partager un feu avec des bergers. L’isolement nous oblige pour la première fois à porter plusieurs jours de nourriture. Nous devons faire preuve de gestion et prévoir minutieusement notre itinéraire. Toutefois, le Dhorpathan se mérite ! Nous effectuons un grand nombre de cols en altitude, le dénivelé s’accumule et nos jambes en subissent les conséquences… Mais à chaque fois que nous levons les yeux, nous prenons une claque tant les paysages nous laissent rêveurs.
29 novembre 2018 : Beni – Dharapani (+860 / -200m)
En ce matin du 29 novembre 2018, l’heure est aux aurevoirs. La bande se sépare pour le dernier mois de la traversée et nous laissons Thibaud à l’hôtel. Hélas, nous n’avons pas prévenu l’hôtel que nous comptions partir tôt et celui-ci n’ouvre ses grilles qu’aux alentours de 7h. Tant pis, nous marcherons plus tard ! Dans les rues de Beni, nous nous retrouvons donc à trois et c’est un sentiment étrange que de ne pas avoir à nos côtés l’expert Maps.me !
Nous ne quittons pas, dès le premier jour, la civilisation. Nous suivons une piste relativement empruntée jusqu’à Darbang puis Dharapani. Nous rencontrons sur ce tronçon des népalais très sportifs ! Nous sommes d’abord conviés à un concours de lancer du poids ou plutôt de pierre.
Un peu plus loin, un groupe s’entraîne au tir à l’arc ! Signe que nous ne sommes plus très loin de la réserve de chasse du Dhorpatan ? Le soir au lodge, le gérant nous apprend qu’il y a trois tigres dans les parages et que l’un d’entre eux a tué 4 chèvres la nuit précédente dans le village. Effrayant ! Nous qui pensions que les animaux avaient fui la réserve, nous voilà gâtés !
30 novembre 2018 : Dharapani – Moreni (+1400/-400m)
Nous poursuivons la piste, très dégagée, qui offre de magnifiques points de vue sur le Dhaulagiri et le Gurja Himal.
Les maisons des villages peintes en orange et blanc sont typiques de la région et apportent beaucoup de charme à notre route. Les rizières sont vertes à nouveau et la rivière en contrebas est d’un bleu accueillant. De nombreux enfants sont là pour nous encourager et n’hésitent pas à faire quelques pas avec nous !
Alors que nous avançons en rive droite de la Dar Khola, des népalais nous sifflent à plusieurs reprises depuis la rive d’en face. Nous devons traverser sur une grosse branche en contrebas car la route que nous suivons devient quelques mètres plus loin « border Line ». Enfin, c’est ce qu’ils nous font comprendre des gestes de la main ! À Lamsung, nous faisons une pause déjeuner et étudions la montée du Jaljala Pass en compagnie du gérant d’un lodge. Nous avons espoir d’arriver au col avant la nuit et d’y planter la tente. Cela devrait se jouer à peu de temps mais ça nous booste ! Seulement, quelques encablures plus loin, à Moreni, on nous apprend qu’il n’y a pas de point d’eau au col, réduisant nos rêves de nuit étoilée autour du feu en miette. Nous prenons la sage décision de dormir au lodge, d’attaquer le col et de rentrer pleinement dans le Dhorpatan le lendemain au matin !
1 décembre 2018 : Moreni – Dhorpatan (+1400/-800m)
Nous attaquons le col Jaljala (3414 m) à la fraîche après avoir engloutis des chapatis – pommes de terre très bon marchés dans la cuisine familiale de la guest house. Au passage, cela nous également permis d’apprendre la recette ! Le Dhorpatan, ça se mérite ! Le col est un vrai mur qui nous fait bien transpirer alors que le sol est encore gelé. Nous avançons au sein d’une forêt de rhododendrons géants ! Le panorama et le lever de soleil nous font vite oublier les échauffements dans les cuisses.
Au fur et à mesure que nous grimpons, le Dhaulagiri I apparaît aux côté du Gurja Himal. Un peu plus haut, c’est au tour du massif des Annapurnas de percer à l’horizon. Au sommet, l’heure est à la contemplation et le terrain s’y prête bien. Une immense clairière nous y attend. Quel point de vue !
La descente se fait au milieu des alpages et des bergeries plus ou moins en bon état. La journée se poursuit dans ce cadre idyllique puis les paysages changent lorsque nous traversons une immense forêt de conifères dont il ne reste que les troncs. Stigmates d’un grand incendie passé.
Avant la ville de Dhorpatan, nous croisons les magnifiques villages de Gurjaghat et Chentung, déjà désertés pour l’hiver. Hé oui, ici, les peuples sont nomades ! Les gardes du parc n’ont pas désertés eux et nous devons nous acquitter du permis pour le Dhorpatan Hunting Reserve.
2 décembre 2018 : Dhorpatan – Thankur (+1600/-1300m)
Le sol est totalement givré lorsque nous partons. Le froid est vif alors que nous sommes à moins de 3000 m. On commence à redouter la nuit en tente inévitable dans les prochains jours..
Depuis quelques jours, François est malade. Nous ne sommes pas épargnés dans cette traversée… Mais c’est un gaillard et il sert les dents pour attaquer le Phalgune Pass, col à plus de 4000 m ! Ce dernier est loin d’être le plus facile, le sentier monte droit dans la pente. C’est aussi loin d’être le plus moche ! Nous sortons vite de la forêt et tournons le dos à une magnifique vallée qui se jette dans une mer de nuage.
Au col, apparaît brusquement le massif du Dhaulagiri. La vue est à couper le souffle et nous nous y attardons une bonne heure.
Le soleil tombant rapidement et un vent glacial s’étant levé, nous descendons au pas de course avec au loin, une première vision sur les sommets du Dolpo.
Nous sommes au cœur du Dhorpatan et il faut attendre 17h et le petit (minuscule) village de Thankur où nous passons la nuit pour croiser quelqu’un.
3 décembre 2018 : Thankur – Dule (+1800/-1800m)
La motivation de la matinée est d’atteindre un énième Tatopani pour la pause de midi et profiter des sources chaudes. De quoi marcher à vive allure ! Beaucoup de dénivelés aujourd’hui car il faut traverser deux vallées. Le paysage est toujours à la hauteur, nous gardons donc le moral sur un piédestal !
Contrairement à la veille, nous croisons des villages (entendre par là quelques habitations) sur notre route. Nous rentrons dans le Rukum, l’un des districts les plus pauvres du Népal. Aucune infrastructure de communication, les habitants vivent en totale autarcie. Ils cultivent le maïs et produisent même du miel dans des ruches atypiques !
Très accueillants, ils n’hésitent pas à nous accompagner pour nous indiquer le chemin.
Objectif atteint à la mi-journée ! Nous prenons plaisir à nous plonger dans une eau à 45 degrés en profitons pour laver nos corps encrassés par les longues journées de marche.
Retour à la dure réalité de la marche. Il faut remonter 1000 m pour atteindre Dule. Et quelle montée ! Un raidar ! Une échelle ! Que dis-je ? Un mur ! L’un des cols les plus raides de la traversée mais nous parvenons finalement à notre ville étape ! Dernier village avant les deux prochains jours. Nous sommes immergés dans la vie locale lorsque les villageois, principalement des bergers, nous font une place autour du feu, à même le sol, pour partager le dal bhat.
4 décembre 2018 : Dhule – Purbang (+1750/-1050m)
Les deux prochains jours sont annoncés comme des no man’s lands. Une traversée du Dhorpatan en empruntant plusieurs cols à plus de 4000 m et surtout en totale autonomie car la zone est déserte. La « Didi » de la maison (nom donné à la chef de maison au Népal) en est bien consciente et nous prépare des petites pommes de terre à la braise avant que nous prenions la route.
Nous avons poncé les topos qui existent sur le trek en question et nous espérons ne pas nous perdre. Malgré cette littérature, les copains de la Transnepalaise s’étaient perdus il y a quelques années. Nous faisons donc le plein en nouilles chinoises.
Départ aux premières lueurs pour ce périple en pleine nature ! Nous sortons de la forêt pour marcher dans un paysage de haute montagne que nous n’allons plus quitter.
Après quelques heures nous avons déjà une petite frayeur. Nous n’avons pas passer le col à 4000 m indiqué dans le topo. Après étude de la carte et de ce qui nous entoure, nous en arrivons à la conclusion que nous sommes bien sur la bonne route mais que nous avons pris un chemin qui n’existait pas à l’époque du topo et qui permet dorénavant de contourner le col. En plus, les marques de sabots des convois de mulet qui font Dunai – Dhorpathan nous rassurent et nous repartons en suivant la Sen Khola, rivière très encaissée qui ne doit pas beaucoup voir le soleil !
Nous nous attendions à croiser personne et finalement nous rencontrons à plusieurs reprises des bergers et quelques nomades, notamment ceux avec qui nous avions mangé la veille ! Nous en profitons pour demander notre chemin et ça marche plutôt bien car nous ne ratons pas (contrairement à la Transnepalaise) l’intersection pour le premier col à 4500 m. Atteindre le camp site (aire de campement) de Purpang avant la nuit pour y monter la tente semble désormais bien à notre portée !
Un peu avant de passer le col à 4500 m nous tombons sur un tas de bambous. Nous sautons sur l’occasion et en prenons sur notre sac (ils ne sont pas assez lourds) en vue de faire un feu le soir car il fait très froid dès que le soleil se couche. Nous voilà donc, fardeaux sur le dos, en train de traverser un paysage lunaire. L’accumulation des journées de marche combinée à l’altitude et au poids des sacs rend très difficile l’ascension et nous avançons très doucement.
Dans la descente nous zigzaguons entre les rivières givrées qui ont l’allure de véritables cascades de glace et qu’il faut à tout prix éviter.
Objectif atteint ! Nous voilà à Purbang avant la nuit ! Une tente de nomade est restée sur place alors nous en profitons pour nous y installer. Beaucoup de courants d’air mais cela évite de déplier les nôtres et puis c’est quand même quelque chose de passer la nuit dans une tente népalaise à plus de 4000 m et en hiver !
Après avoir manger autour d’un feu de bambou qui nous a bien réchauffé, nous nous engouffrons tout habillés dans nos duvets. Enfin, sauf François qui a failli finir en surgelé Picard en tentant la nuit en caleçon.
5 décembre 2018 : Purbang – Dunai (+700/-2600m)
Quelle nuit ! Impossible de sortir la tête du duvet sous peine de se voir geler les voies respiratoires. Il a sûrement fait près de – 10 voir – 15 degrés dans la tente et nos duvets ont gelé. Imaginez ! Difficile d’en sortir… Les semelles de nos chaussures ont également gelé et François et Jérémy ont faillis perdre leurs orteils en sortant allumer le feu. À cet instant on se dit, le feu c’est la vie ! On ne regrette pas les efforts de la veille pour porter le bois !
Nous attendons le lever de soleil pour commencer à marcher et nous nous attaquons à un premier col à 4300 m avant un autre à 4500 m, le Jang La qui marque le passage du Dhorpatan au Dolpo ! Nous retrouvons des paysages semblables à ceux de la veille. Vous savez, ceux dont il est impossible de se lasser !
Et voilà nous y sommes, nous avons traversé la terrible région du Dhorpatan ! Du col nous apercevons les montagnes du Dolpo et même celles du Far West népalais !
Nous basculons de l’autre côté de cette barrière naturelle et entamons une descente de 2400 m de dénivelé au travers des alpages puis des conifères et enfin des feuillus pour atteindre Dunai à la nuit tombée.
Nous voilà désormais dans le Dolpo, l’une des régions les plus froides du Népal. Ça promet pour la suite ! Direction maintenant Rara Lake, le plus grand lac du Népal !
A bientôt !
La bande
Cc ça va les 4 aventurer
J’aimeJ’aime
Formidable les garçons !
Quel exploit remarquable.
Restez très prudents face au froid, clin d’œil à Francois 😉
J’aimeJ’aime