Frais comme des gardons, requinqués par deux bonnes nuits dans un lit King size, remplis par deux énormes dal bhat, nous voilà repartis pour rejoindre d’un pas décidé la vallée de l’Everest et les hautes altitudes.
Pour cette deuxième semaine de trek, maintenant que la machine est lancée, changement de cadence ! Les journées de marche s’allongent (7 à 8h en moyenne), le dénivelé quotidien augmente (un bon millier de mètres positifs comme négatifs) et les distances s’étirent (des journées avoisinant les 20km) !
Au cours de cette portion, nous continuons de traverser les vallées à la perpendiculaires, mais qui sont cette fois-ci toujours plus encaissées. Par trois fois, nous remonterons à plus de 3000m (au maximum 3440m avec le Salpa Pass) après avoir traversé un torrent sur un pont suspendu 1500m en contrebas. Nous quittons petit à petit la moiteur de la jungle pour retrouver la fraîcheur des montagnes (surtout la nuit !) et son brouillard qui couvre les crêtes. Pas de chance donc, aucun point de vue au rendez-vous… Nous pourrons seulement nous imprégner de l’ambiance hostile de ces cols encadrés d’arbres chargés de lichen.
Nous terminons donc par Namche Bazar, capitale Sherpa, d’où nous profitons d’un jour de repos pour préparer les jours à venir dans la vallée de l’Everest. Comme en guise de consolation, les éclaircies des deux derniers matins nous ont même offert quelques pointes blanches de plus de 6000m dépassant des crêtes ! De quoi nous donner un sacré avant-goût pour la suite !
29 septembre 2018 : Khadbari – Tabutar (+750m/-1150m)
Requinqués et propres comme des sous neufs, nous nous élançons dans la descente vers la vallée, au milieu de la forêt tropicale (histoire de changer des jours précédents), en direction de Baluwabesi. Une fois celle-ci atteinte, nous sommes surpris de nous trouver sur une plage de sable fin, parsemée de galets, en bordure d’une très large rivière, à une des altitudes les plus basses de notre traversée (environ 300m). Aubin est aux anges. Il se voit déjà muni de son mini short rouge, sifflet à la bouche, sur une plage vendéenne. Malheureusement pour lui, il est vite ramené à la réalité lorsqu’il trébuche sur une pierre glissante, en traversant une des jonctions de la rivière. C’est la chaussure mouillée, sous la chaleur accablante, qu’Aubin poursuivra la marche.

Nous atteignons finalement Baluwabesi plus tôt que prévu ! Nous repartons donc en direction de Gothe Bajar, petit village situé à 2 ou 3 heures (ou 4 ou 6 suivant l’interlocuteur).
C’est finalement aux alentours de 15h que nous arrivons à Tabutar, petit village précédent Gothe Bajar. Nous sommes très bien accueillis dans un lodge en bordure de rivière où nous n’hésiterons pas une seconde à aller y tremper nos mollets, voire plus pour Aubin et Jérémy qui s’y laveront.
30 septembre 2018 : Tabutar – Jaubari (+1800m/-200m)
Nous remontons la rivière pendant une bonne partie de la journée, parfois en rive droite, parfois en rive gauche et en passant de l’une à l’autre via de grandes passerelles himalayennes. Nous suivons ce qu’on appelle du « plat népalais ». Entendre ici des portions de plats entrecoupées de montées ou de descentes dré dans le pentu. La monotonie du profil est stoppée net à Salpa Phedi pour rejoindre Jaubari, village perché. Cette fois-ci, c’est une « montée à la nepalaise » qui se dresse devant nous : 400m de dénivelé ascendant pour 1,2km, soit une pente moyenne de 40%. De la pente et des marches qui nous ont fait suer jusqu’à tremper nos T-shirts (qui ne sèchent pas le soir…) et qui offre une vue constante sur les mollets saillants de celui de devant.
Le dal bhat du soir est particulièrement cher. Ce n’est pas étonnant ! Au Népal, de nombreux villages ne sont pas accessibles par route. Le transport des marchandises se fait alors à dos d’homme ! Nous croisons donc régulièrement sur notre route des porteurs qui ont sur leur dos des charges inimaginables, dépassant souvent les 50kg ! Cela nous fait relativiser sur le poids de nos propres sacs (environ 15 kg et déjà lourds !).
Même refrain pour nos petites courses matinales (gâteaux et nouilles instantanées pour la journée) réalisées dans les petits magasins présents dans quasiment chaque maison longeant le chemin ! Nous retrouvons donc les fonds de vallées avec plaisir pour leurs prix plus abordables.
1 octobre 2018 : Jaubari – Gudel (+1400m/-1500m)
Poursuite de la grimpée entreprise la veille jusqu’au Salpa Pass, notre premier col à plus de 3000m d’altitude ! Un amuse gueule au vu de ce qui nous attend dans la région de l’Everest mais qui nous a bien rassasié tout de même.
S’en suit une longue descente que nous avons poussée jusqu’à Gudel qui marque le terme d’une longue journée sur les sentiers. Un népalais nous accueille même à l’entrée du village et semble impressionné par ce que nous avons parcouru !
Il en a même profiter pour nous donner un cours succinct sur les monuments religieux que nous croisons. Il nous explique les différences entre les mémoriaux hindous (ethnie Raï) et bouddhistes (ethnie Sherpa). À savoir que chaque édifice religieux doit être contourné dans le sens des aiguilles d’une montre ! Nous nous plions donc à la règle, même lorsque cela implique quelques pas supplémentaires.
2 octobre 2018 : Gudel – Najing Digma (+1800m/-1100m)
Un Chapati à la confiture et c’est reparti pour une traversée de vallée. Le scénario se répète chaque jour et nous commençons à être habitué tant physiquement que mentalement. Nous entrons dans le Makalu National Parc sans croiser de garde au poste de contrôle, ce qui nous fait économiser près de 3000 roupies chacun ! Un équivalent de 10 dal bhat ! Bonne nouvelle, en particulier pour Aubin dont les gargouillis de ventre se font entendre dès 8h du matin. Dans la descente périlleuse du Surke La (3070 m) nous croisons le premier touriste depuis le début de la traversée ! Un mexicain qui fait route inverse au niveau de Najing Digma, terminus de notre étape.
3 octobre 2018 : Najing Dingma – Kharte (+1800m/-2000m)
Cette journée débute de la meilleure des façons. Alors que nous avons l’habitude de boire un thé accompagné de quelques gâteaux secs avant de débuter la marche, nous découvrons sur la table, de la confiture, du miel, et du beurre de cacahuète ! Un délice pour les yeux et les papilles. Nous en profitons pour tremper les biscuits et finalement pour en avaler goulûment de grandes cuillerées. Assez désolant de ressentir un tel manque au niveau de la nourriture après seulement 11 jours ! Ça promet !
La vallée traversée du jour est très encaissée et impressionnante. Alors que nous empruntons la passerelle himalayenne vertigineuse, nous apercevons en contrebas des singes se jetant d’arbres en arbres.
Nous faisons plusieurs rencontres dans la descente du col Narkung La (3180m). Nous croisons deux groupes de touristes (dont un français !) et leurs porteurs en route pour le Mera Peak (6476m). C’est un de ces trekking peak, sommets à plus de 6000m dont l’ascension ne requiert pas de technique et d’expérience trop exigeantes. L’obstacle le plus contraignant est sans doute le coût de l’expédition qui est assez élevé (plus de 4000€).
Petite anecdote du jour, Aubin, sans doute dans un manque de lucidité, à tout de même réussi à marcher sur un serpent au milieu du chemin ! Étonnant non ? Pas tant quand on connaît le bonhomme. Depuis le départ, il a déjà perdu son savon et son drap de soie. Bientôt une de ses chaussures de rando ?
4 octobre 2018 : Kharte – Cheplung (+1100m/-950m)
Après la frénésie de Katmandou, place à celle de la vallée de l’Everest (Solu Khumbu) et de ses ribambelles de touristes venus du monde entier. Place également aux premiers sommets enneigés qui apparaissent au dessus de nos têtes avant que le brouillard et la pluie ne viennent calmer la fête.
Au menu du jour, sur le chemin roulant menant à Lukla, des convois de mules, de yacks et… d’hélicoptères ! En raison du mauvais temps, l’aéroport est fermé et seuls les hélicoptères peuvent faire la « navette » depuis Katmandou. Pas terrible comme fond sonore, nous qui étions habitués aux bruits de la forêt.
Lukla marque le début de la zone touristique du Solu Khumbu. Passage obligé pour nous afin de préparer les prochaines semaines (permis du Solu Khumbu district, argent liquide et stock alimentaire). Au Népal, les machines à cartes n’existent quasiment pas, il faut donc se munir du liquide suffisant ! Un vrai casse tête au vu des des plafonds de retrait des rares distributeurs ! Le contraste dans la ville est saisissant avec tout ce qu’on a pu vivre jusqu’alors. Les rues, pavées, sont parsemées de magasins de sport, de restaurants occidentaux et même de bakery (boulangerie) ! Pas le temps de niaiser, nous suivons le flot de touristes pour rejoindre Cheplung.
On se croirait à l’entrée d’un parc d’attraction.
Jérémy, à la vue d’un gros moulin à prière sortie de nulle part
5 octobre 2018 : Cheplung – Namche Bazar (+1200m/-300m)
Nous avançons en direction de la capitale Sherpa sur la route pavée, bordée de moulins à prières (à faire tourner pour purifier son âme). Nous doublons de nombreux groupes de touristes et avons l’impression d’être les seuls sans guide et avec nos gros sacs à dos ! En effet, pour les trek organisés, des porteurs sont payés pour déplacer les affaires personnelles de jour en jour. Nombreux sont ceux faisant le trek du camp de base de l’Everest (EBC). Nous avons l’occasion de discuter avec un des porteurs. D’après eux, ils portent environ 25kg (on a du mal à les croire et on voterait pour plus !) et effectuent jusqu’à 6 trajets aller-retour pendant la saison.
D’un coup, un géant se dresse derrière les crêtes. Sans doute le Thamserku (6608m) qui resplendit de toute sa hauteur et sa blancheur. Majestueux. Clic, clic, clic. Il faut sortir l’appareil photo et pour une fois nous ne sommes pas les seuls à dégainer. Une touriste nous interpelle même alors que nous avons repris notre marche :
Hey guys ! Did you see this ?!