Maintenant que tous les détails pour le trek sont réglés, il est l’heure de rentrer dans le vif du sujet ! Au menu, traversée du Népal d’Est en Ouest par la Cultural Route. En effet, deux grands réseaux de trek parcourent le Népal : la High Route, tout au Nord, en altitude (parfois jusqu’à 6000m) et isolée, et la Low Route (ou Cultural Route), plus bas dans les vallées, qui traverse les villages. Pour nous, c’est donc la deuxième option pour les 3 prochains mois, dans une optique de rencontrer les populations locales.
Mais avant toute chose, il faut se rendre au départ qui est sur la frontière Est, non loin de Taplejung. Étant donné l’épopée que ça a été, on n’a pas pu s’empêcher de vous en faire un article.

Un bus plein d’appréhension
Après les différentes études cartographiques, un rasage bouddhiste chez le « coiffeur-masseur » et la nouvelle date butoir anticipée par l’expiration de notre Visa, notre plan initial de se rendre à Phalut est adapté. Nous avons en tête de prendre un bus jusqu’à Ilam puis une Jeep ou un bus jusqu’à Tharpu.
Depuis la France, nous avons longtemps hésité entre bus locaux et vols intérieurs, entendant toutes sortes d’histoires sur les bus (et également sur les avions d’ailleurs…). Le bus n’est pas forcément plus sûr que l’avion (rapporté à l’échelle de la France ce serait 20000 morts sur les routes par an). Dissuadé par le prix des avions (100 fois plus cher), nous partons donc sur l’option terrestre.
Grâce à notre auberge, nous avons dégoté 4 tickets à prix touriste (nous avons appris plus tard par un népalais qu’il coûtait 2 fois moins cher) pour Ilam. Départ prévu Lundi 17 septembre à 15h en bus de nuit pour arriver le lendemain à 5h du matin.
Avec un peu d’appréhension, nous nous rendons donc au rendez-vous avec de l’avance, comme il nous a été conseillé. Cependant, on nous avait pas mis au courant du fait que le chauffeur doit terminer sa sieste avant que le bus ne parte. On le découvre donc en train de ronfler profondément, 15 minutes avant le départ annoncé.
17h, vrombrissement du moteur, les soutes pleines, le toit chargé et aucune place vide. Bien 1h ou 1h30, après le départ, nous découvrons avec émerveillement la campagne escarpée. Au loin, nous devinons quelques sommets enneigés. Pourtant, dans la cabine, c’est une toute autre ambiance !

Le bus monté sur ressort semble danser au rythme de la musique népalaise que crachent les enceintes au-dessus de la tête d’Aubin, et ce au gré des nids de poules, des zones non-bitumées et des klaxons incessants. Eh oui, il faut prévenir dans le virage que nous sommes en train de doubler un autre bus !
Un premier arrêt en aire d’autoroute népalaise où petits commerces se partagent le marché. Puis, nous repartons à bord de notre bus high-tech : caméra de recul, air conditionné, Free Wifi, ABS et écran plasma, d’après les peintures sur la vitre arrière. Enfin pas tout à fait ! On reprend. La caméra de recul n’est autre que le co-pilote qui tape sur le capot pour prévenir le chauffeur de l’arrivée imminente d’une voiture. Celle-ci est confirmée par le retentissement d’un klaxon. En guise d’air conditionnée nous avons droit à un petit ventilateur à hélice pour chaque binôme, accompagné d’une vitre grand ouverte. Attention, pas d’arnaque dans cette compagnie : si le ventilateur ne fonctionne pas, on vous rembourse une partie du billet. Aucune trace de Free Wifi. Sans doute étions nous trop loin pour capter le partage de connexion du chauffeur. Quant à l’ABS, il n’est pas d’une grande utilité : en cas de voiture trop lente, on la dépasse, en cas de nid de poule, on accélère pour le survoler. Aucune entourloupe concernant l’écran plasma sur lequel est diffusé le dernier film de Bollywood durant les trois prochaines heures. Réel choc culturel mais nous constatons à quel point les népalais aiment ce genre de film. Aubin vous en parlera, il n’en a pas loupé une miette ! Quoiqu’il en soit, nous avons fait connaissance avec des népalais très gentils qui nous ont même montré des photos des magnifiques champs de thé d’Ilam (dont les mérites ont été vantés par Raju, le taxi de Katmandou) !
Deuxième et dernière pause avant la nuit et un paquet de chips à la banane plus tard, il est temps pour nous de chercher à trouver le sommeil. Difficile ! Voilà que le monsieur de devant penche son siège et on se retrouve les genoux derrière les oreilles. On a même droit à des réveils en apesanteur, 20cm au dessus du siège, en lévitation totale, parce que le dernier nid de poule était plus gros que la moyenne ! Après un sommeil en pointillé, mais moins que celui dans l’avion pour venir à Katmandou, on se réveille moites comme la moustache de Jérémy quand il mange épicé. Autour de nous, paysage radicalement différent : pays plat et jungle luxuriante.
« Birtamod, Birtamod, 1 jour d’arrêt ! »
Mardi 18 septembre, 7h, l’heure où tout bascule, le bus s’arrête. Tous les occupants du bus se retournent et nous regardent fixement. Nous demandons si nous sommes à Ilam, on nous répond que non. Certains nous font des grands signes, nous devons apparemment descendre du bus. Nous nous exécutons. Nos sacs sont déchargés et le gérant d’un hôtel nous tend déjà les clés d’une chambre. On nous dit :
« Ilam not today, Ilam tomorrow. »
Après moult discussions laborieuses, nous comprenons qu’il y a une grève des transports dans la partie Est du pays.
Pourquoi cette grève des conducteurs ?
Récemment, le gouvernement népalais a voté une loi modifiant la sentence en cas d’accident mortel à 10 ans de prison quelque soit les circonstances. Cette nouvelle loi est extrêmement dure et les conducteurs ont décidé de protester en arrêtant tous les mouvements, aussi bien commerciaux que particuliers. Leur demande est donc d’adapter la sentence en fonction du type d’accident.
Nous nous rendons à l’evidence, après plusieurs personnes interrogées qu’Ilam ne sera pas pour aujourd’hui. Particulièrement, quand on constate que même les népalais sont bloqués.
Après avoir englouti un petit déjeuner (sandwich à l’omelette bien apprécié par Jérémy), nous nous mettons en quête d’un hôtel. Nous dégotons un petit hôtel fort sympathique avec air climatisé (le vrai cette fois) et nous rencontrons par la même occasion Omri et Yocheved, deux israéliens qui souhaitent faire le trek du Kanchenjunga et qui sont bloqués comme nous. Nous décidons d’allier nos forces pour la suite.
L’après midi, nous reprenons nos recherches. Un népalais nous dit que le seul moyen, c’est de faire croire à une maladie, d’appeler une ambulance et de lui dire que notre médecin est à Ilam. Un autre nous propose d’y aller en tuk-tuk. Vous savez les véhicules à 3 roues qui dépassent pas les 30 km/h. Finalement quelqu’un nous affirme qu’un taxi pourra nous emmener le lendemain à 6h jusqu’à Taplejung, encore plus au nord qu’Ilam et pour un prix beaucoup plus abordables que d’autres propositions ! Super ! Les israéliens sont contents et nous aussi.
On fixe alors une assemblée générale dans la chambre. Étant donné nos Visas et la tournure que prennent les événements, on décide de débuter notre traversée depuis Taplejung pour avoir le temps d’atteindre le Far West en décembre.
Heureusement, pour nous reconforter, nous avons pu profiter de la gastronomie locale grâce à des restaurateurs ravis d’échanger avec nous. Enfin, pour conclure cette journée aux multiples rebondissements, nous dégustons un très copieux dal bhat dans le restaurant en face de l’hôtel.
Réveil 5h30 avec l’espoir de partir pour Taplejung dans le taxi promis la veille. Hélas, c’était sans compter le prolongement du mouvement social. C’est reparti pour un tour ! On recommence nos recherches auprès de tous nos contacts acquis la veille. Nous en sommes même à émettre la possibilité de faire le trajet avec le tuk-tuk. En plein négociations avec eux, une Jeep apparaît comme par magie et se propose de nous amener à Ilam !
De ce séjour à Birtamod, nous retiendrons une ambiance assez pesante, certainement due à la grève, mais aussi et surtout de très bons repas dans des restaurant aux propriétaires chaleureux !
« Ilam, Ilam, quelques heures d’arrêt ? »
Après un peu plus de 2h de Jeep sur des routes sinueuses, parfois non goudronnées et qui nous permettent pour la première fois de prendre de la hauteur sur les différentes vallées , nous voilà enfin arrivés à Ilam. Cette ville perchée, surplombant la montagne, est connue pour la beauté de ses paysages ainsi que pour son excellent thé. On a même pu se promener dans les champs en terrasse et observer des paysages typiques asiatiques. Nous nous sommes fait des petits copains très sympathiques !


Comme le jour précédent, nous nous empressons de chercher un moyen de transport pour rallier Taplejung avec l’espoir que cela soit plus facile. Après quelques heures de recherches, nous trouvons finalement une Jeep acceptant de nous emmener de nuit afin de limiter les risques encourus en conduisant pendant la grève.
À 17h, changement de programme. Plus rien ne nous étonne maintenant. Le conducteur ne veut plus vraiment nous amener. Nous rencontrons un guide local, Pasharit, parlant très bien anglais qui tente de nous convaincre.
« Si vous partez de nuit, vous n’arriverez que très tard à Taplejung et vous paierez cher l’hôtel. Si vous restez dormir ici, ça vous coûtera moins cher et vous pourrez prendre une Jeep demain matin. En plus, je connais des habitants qui seraient prêts à vous accueillir pour la nuit. On pourrait aller en ville pour que je vous fasse goûter les spécialités locales comme le Tongba ! »
Qu’est ce que le Tongba ?
Boisson alcoolisée très répandue dans l’Est du pays, elle se prépare à partir de graines ressemblant à des graines de moutarde et de l’eau chaude. Les locaux sirotent cette boisson dans un étrange récipient intégrant une paille en métal. Le mystère reste dans l’origine de l’alcool, à moins qu’il ne s’agisse pas d’eau chaude ? 😉 En tout cas, Raju, le taxi de Katmandou, nous en avait vendu les mérites !
À nouveau, nous nous rendons à l’évidence, notre départ de trek, ce n’est pas pour tout de suite. On opte pour l’option nuit à Ilam d’autant plus que le guide nous promet de nous trouver une Jeep pour le lendemain.
Après avoir déposé nos affaires chez une famille habitant sur les hauteurs d’Ilam, nous regagnons la ville pour déguster différentes spécialités ! Surtout, nous avons enfin pu goûté le Tongba ! Special. C’est le mot pour décrire cette boisson à l’odeur très forte et pas vraiment appréciée par l’équipe (sauf Aubin !).

Jeudi 20 septembre, réveil au dal bhat maison pour nous préparer à cette longue journée qui nous attend. Départ prévu à 8h30, nous sommes déposés à 10h au District Office (genre de préfecture).

Midi, un groupe d’hommes arrive. C’est l’association de conducteurs d’Ilam qui vient discuter de la levée de la grève sur le District avec l’équivalent du préfet. On apprend aussi qu’ils discuteront de notre cas.
Une heure après, ils ressortent tout sourire. La grève est levée pour le District et un conducteur accepte de nous amener à prix fort, sachant que les autres District n’ont pas levé le grève. Arrivée à Taplejung prévue pour 18h, il faudra pourtant compter 5h30 supplémentaire pour atteindre notre destination.
Après 1 heure de route, notre chauffeur s’arrête dans un petit hameau juste avant le district de Phidim, il nous indique qu’on ne peut pas traverser la ville pour l’instant, il faut attendre la réunion de 17h pour savoir si la grève est levée ou non. Finalement, après quelques discussions et un coup de fil au guide local, on repart.
Nouvel arrêt quelques virages avant la ville, à côté de camions de polices. Notre chauffeur remonte et un camion de police démarre. Hallucinés, nous faisons donc notre entrée dans la ville de Phidim escortés par un camion de police. Nous passons à vive allure, mais pouvons sentir les regards lourds que nous portent certains locaux à notre passage.
Bruit strident de pneu qui crisse. Notre chauffeur descend, regarde la roue, crie quelque chose en népalais aux policiers et nous repartons doucement avant de nous arrêter dans un garage à la sortie de la ville. Une pièce dans la roue s’est cassée et il faut réparer. Le camion de police nous laisse et quelques hommes viennent discuter (un peu fortement) avec notre conducteur mais les choses s’appaisent.
Nouvelle attente pendant que deux gamins s’attelent au démontage de la roue. Ce voyage nous fait déjà travailler notre patience.

Les réparations se terminent après que nous ayons mangé un bout en ville. On repart finalement en pleine nuit (18h), sans escorte. Tendus, nous croisons un premier barrage militaire où notre conducteur s’enregistre. Plus loin, un second pour prévenir que du verre pilé a été dispersé sur le route.
Finalement, nous arrivons à Taplejung à 23h30, rincés par le voyage, et nous effondrons sur nos matelas Sea to Summit dans une pièce vide que nous propose un local pour 1000 roupies (7,30€) à 6.
La journée du Vendredi 20 septembre est marquée par les au revoirs avec Omri et Yogi, par du repos, par une électricité alternative (pas évident pour écrire l’article…) et par les réglages des derniers détails pour partir le Samedi matin. Encore une fois, nous aurons droit à l’aide des locaux : un restaurateur nous détaillera les premières étapes et nous dégotera du kérosène pour notre réchaud !
En tout cas, nous aurons retenu une chose de ce voyage :
« In Nepal, take your time ! »
Pasharit, le guide d’Ilam
À bientôt,
La bande !
Merci pour ce récit plein de rebondissements.
Mention spéciale au narrateur qui allie une belle prose pleine d’humour.
J’adore 👍
Effectivement il ne faut jamais être pressé au Népal.
Bon courage pour la suite.
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Périple bien haletant déjà j attends la suite en vous souhaitant de trouver ce pour quoi vous êtes partis je suis également mes voisins qui eux sont partis de l Amérique du Nord pour arriver en Amérique du Sud en vélos et carioles avec leurs 2enfants je voyage à travers vous
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